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Attention Ricardo, le Centre des sciences publie une recette!

25 juillet 2017 | Catalina Ville…

Depuis 2015, le Centre des sciences a mis la main à la pâte pour développer une exposition qui ouvrira ses portes en octobre 2017: Génie autochtone, des inventions toujours actuelles. En tant que passionnée des sciences (et de bouffe), j’ai décidé de vous offrir une dégustation virtuelle du pemmican, l’une des innovations qui sera présentée dans l’exposition, histoire de vous mettre un peu l’eau à la bouche!

Alimentation zéro gaspillage

Génie autochtone est une exposition qui révèle l’ingéniosité des Premiers Peuples et qui nous permet d’apprendre sur leur savoir-faire. Les inventions de nos ancêtres sont toujours actuelles. Pensez, par exemple au canot, aux raquettes, au kayak, etc. Leur alimentation était également très ingénieuse: dans le Grand Nord, on se nourrissait de poissons et de mammifères marins, en se servant d’outils et de techniques très perfectionnés. Au sud, la domestication du maïs, de la courge et des haricots n’est pas moins surprenante, étant donné que le maïs a été créé par l’humain à partir d’une petite plante appelée teosinte qui avait peu d’intérêt pour l’alimentation. Dans les prairies, pour l’alimentation et l’habillage, on dépendait de la chasse au bison, au caribou et à l’orignal, entre autres. Quand on parle de chasse, on parle du besoin de subsistance. On ne chasse pas inutilement et on ne gaspille rien de l’animal. La viande ainsi obtenue devait pouvoir se conserver très longtemps.

Question maintenant: comment peut-on garder la viande en bon état sans frigo? Je vous donne quelques instants pour y penser...

Une viande qui ne pourrit pas

Quelle est votre réponse? Si vous avez dit « en l’enrobant de sel », pas mal, sauf qu'il faut se rappeler que les peuples des prairies n’avaient pas accès au sel. Ils ont utilisé une méthode qui protège la viande de la putréfaction d’une façon plus efficace que le salage: le séchage. Faute d’eau, la prolifération de microorganismes diminue énormément. La viande, coupée en lanières fines et laissée à sécher au soleil s’appelle charqui (ou jerky). Le pemmican est une préparation à base de charqui qui est facile à transporter, très nourrissante et peut se conserver pendant des années.

Les mains à la pâte

En essayant de suivre fidèlement la recette traditionnelle du pemmican, j’ai acheté un filet de viande de bison pour faire la charqui et me servir de sa graisse pour faire le suif. En passant, le mot cri pemmican veut dire tout simplement « graisse préparée ». Attention, la recette présentée ici prend plusieurs heures, mais ne nécessite pas de surveillance la plupart du temps. Une version rapide est possible en utilisant des produits disponibles en épicerie comme le jerky commercial, le suif (de bœuf préférablement) et des petits fruits secs. Cependant, n’est-il pas plus cool de faire des recettes maison lorsque possible? Vous êtes prêts? Allons-y!

Pemmican en 9 étapes

1. Ingrédients: 1 part de viande maigre par 1/2 part de suif et 2/3 de petits fruits.

Etape 1

2. J’ai taillé la graisse et l’ai mise de côté pour en fondre le suif plus tard. Ainsi, la masse de viande maigre de départ était de 122g et la portion grasse est de 41g. (Ceci n’est pas un iPad, c’est ma balance de cuisine qui a l’air d’un iPad…)

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3. Avec un couteau bien aiguisé, couper de fines lanières de viande maigre et les placer dans une grille allant au four. Astuce: mettez la viande une heure au congélateur avant de la trancher. Laissez la viande se déshydrater entre 6 et 8 heures à la plus basse température du four, normalement 180 F (82°C). On conseille de laisser la porte du four un peu ouverte pour permettre l’humidité de s’échapper. Mettez également les petits fruits au four pour les déshydrater, mais sortez-les une ou deux heures avant de sortir la viande. Les miens ont trop noirci, car je les ai oubliés dans le four pendant sept heures!

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4. Pendant que le four fait son travail, passons maintenant à la préparation du suif. Cette étape est fondamentale dans la conservation du pemmican, car la fonte de la graisse est réputée prolonger sa fraîcheur (mais on ne l’a pas encore vérifié). Coupez en petits cubes la graisse et déposez-les dans une casserole avec un peu d’eau. Laissez fondre à feu doux.

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5. Après une heure au feu doux, commencez à surveiller de près le niveau d’eau. Une fois l’eau évaporée, la graisse risquera de brûler. La graisse va faire un petit bruit de friture quand il ne restera plus d’eau. C’est le temps de retirer la casserole du feu!

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6. Filtrez le suif (j’ai utilisé deux passoires et une étamine). Vous pouvez réserver les lardons pour les manger au petit déjeuner. Ils sont délicieux!

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7. Sortez la charqui après sept heures de séchage. Pour une prochaine fois, je vais surveiller de près la texture de la viande après six heures. Elle n’a pas brûlé, mais est extrêmement cassante.

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8. Un peu de maths? Comme je voulais savoir quel est le contenu d’eau dans la viande fraîche, je l’ai pesée avant et après le séchage. La masse de départ était de 122g et, la finale, juste 33g. C’est-à-dire qu’elle a perdu environ 3/4 de sa masse originale par l’évaporation d’eau.

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9. Après avoir mis la charqui écrasée dans un robot culinaire et une petite poignée de bleuets séchés biologiques (que j’ai achetés en épicerie, car mes petits fruits étaient immangeables), j’y ai ajouté le suif de bison fondu au bain-marie. Enfin, j’ai pétri de petites galettes rectangulaires de pemmican sur un papier ciré et je ne me suis pas retenue d’ajouter encore des bleuets secs entiers pour plus de saveur et texture. Voilà une barre de pemmican que mes collègues ont pu déguster après (sauf ma boss parce qu’elle est végétarienne). Je garderai un pemmican pour le manger le jour du lancement de l’expo, en octobre, et un autre pour le dernier jour, six mois après! À votre tour d’essayer!

 

Catalina Villegas Burgos est chargée, recherche et vulgarisation au Centre des sciences.
 

Catalina Villegas Burgos
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Catalina Villegas a travaillé comme chargée recherche et vulgarisation au Centre des sciences de Montréal. Elle détient un baccalauréat en génie physique, mais elle a découvert que sa passion se trouvait dans la communication et la vulgarisation scientifique. Elle s’intéresse aussi à l’art, la caricature, l’origami et la littérature.