Aller au contenu principal

Irma LeVasseur, la vie derrière la facade

26 janvier 2018 | Catalina Ville…

Dans le cadre de l'événement Science au féminin qui se déroulera le dimanche 11 février, le Centre des sciences publie des portraits de femmes inspirantes en science et technologie.

Irma LeVasseur est née le 20 janvier 1877, à Québec. À un très bas âge, ses deux petits frères sont décédés. Ces événements l’ont profondément marquée et ont éveillé en elle le désir de travailler pour la santé des enfants. À l’époque, la mortalité infantile était très élevée : à Montréal, par exemple, un enfant sur quatre n’atteignait pas son premier anniversaire. La ville offrait une des pires espérances de vie de la planète à ses enfants, battue seulement par Calcutta (Inde) dans ce triste palmarès.

Après avoir terminé ses études à l’École Normale de Laval, une institution pour les personnes dont la vocation était l’enseignement, la passion de Mme LeVasseur est claire : elle veut devenir médecin. C’est là qu’elle rencontre un des plus grands défis de sa vie : les universités québécoises n’acceptent aucune femme dans leurs salles de classe!

Irma Levasseur

Un exil forcé

Décidée à poursuivre son rêve, elle fait ses études de médecine à l’Université St Paul au Minnesota (États-Unis) et revient au Québec six ans plus tard pour pratiquer son métier. On se trouve alors au début du 20e siècle, mais on est encore très, très loin de la parité hommes-femmes sur le marché du travail! En effet, bien qu’elle ait obtenu son diplôme en 1900, elle ne peut pratiquer son métier puisque que la loi interdit tout simplement la pratique de la médecine par les femmes. Irma LeVasseur doit donc se battre pour faire valoir sa cause devant les élus et enfin obtenir de l’Assemblée nationale, en 1903, une loi spéciale qui lui permettra d’exercer sa profession.

Déterminée plus que jamais à arracher les enfants à la mort, elle part à nouveau en France, puis en Allemagne, pour se spécialiser en pédiatrie. Elle travaille pendant quelques mois dans la Crèche de la Miséricorde en demandant que son salaire soit investi dans des soins d’hygiène et d’alimentation pour les petits. Elle encourage le personnel à traiter les enfants en favorisant l’affection et les caresses, ce qui choque les mentalités religieuses de l’époque.

Un premier hôpital francophone pour enfants

Avec la claire intention de consacrer sa vie et ses connaissances au service des nourrissons malades et de permettre aux familles francophones d’avoir accès à un hôpital pour enfants, elle commence, en 1907, à frapper des portes pour amasser des dons. Mais ses sollicitations ne connaissent pas un grand succès. Cette déception l’amène à nouveau aux États-Unis où ses anciens collègues lui fournissent généreusement de l’équipement médical et du linge d’hôpital. En contraste, les dons recueillis à Montréal montent à peine à 200$.

Elle cherche alors l’appui financier de Justine Lacoste-Beaubien, femme d’un homme d’affaires, et lui propose d’être la présidente du futur hôpital. Le 30 novembre 1907, rue St-Denis, le modeste Refuge des petits malades ouvre ses portes. Il sera rebaptisé moins de trois mois plus tard et deviendra l’Hôpital Sainte-Justine, une décision prise le conseil d’administration de l’établissement sans même consulter la Dre Levasseur.

Premier site de Sainte-Justine

Héroïne humanitaire pendant la guerre

C’est à nouveau l’exil : elle repart travailler aux États-Unis quelques années jusqu’à ce que, en 1915, elle réponde à un appel envoyé aux médecins canadiens pour soigner les combattants engagés dans la Première Guerre mondiale. Seule femme d’un groupe de cinq médecins volontaires, elle s’embarque pour la Serbie où une épidémie de typhus fait des ravages chez les soldats. Infatigable, elle y vaccine des soldats à un rythme de mille par jour ! Courageuse, aussi, elle reste deux années complètes au front,  tandis que ses collègues reviennent au Canada un an plus tôt, épuisés. Cette épidémie aura décimé environ 800 000 personnes au total.

Fondatrice de l’hôpital de l’Enfant-Jésus à Québec

En 1918, avec sa vocation humanitaire toujours bien ancrée, elle se rend en France, puis à New-York, comme médecin militaire pour la Croix-Rouge. Forte de ce cheminement, elle revient en 1922 dans sa ville natale, à Québec, avec l’intention d’y fonder un autre hôpital pour enfants malades. La Dre LeVasseur investit toutes ses économies pour réaliser ce rêve. Le 31 janvier 1923, le dispensaire de l’Hôpital des Enfants Malades ouvre ses portes et, en avril, son nom sera changé, à nouveau à son insu, pour « Hôpital de l’Enfant-Jésus ». Décidément, l’histoire se répète!

Une grande femme injustement oubliée

La pionnière de la pédiatrie au Québec et fondatrice d’hôpitaux de grande envergure a malheureusement passé les dernières années de sa vie dans la pauvreté et l’anonymat. Elle meurt en 1964, presque oubliée. Ce n’est qu’en 2004 que son nom est inscrit pour la première fois sur sa pierre tombale.

Mais le travail de mémoire commence enfin à se faire : au Québec, un mont, trois rues ainsi qu’un parc ont été nommés Irma en l’honneur d’Irma LeVasseur. Le Secrétariat à la Condition féminine du Québec remet depuis 1987 la bourse Irma-Levasseur à des filles qui souhaitent poursuivre des études en science ou en technologie. En mars 2017, une plaque commémorative rappelant sa mémoire a été installée à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus puis, la même année, l’Hôpital Ste-Justine a inscrit son nom en grosses lettres sur sa façade. Il était grand temps que cette pionnière soit reconnue à sa juste valeur!

 

Science au féminin, l'événement qui vise à inspirer et promouvoir la participation des femmes et des filles à la science, se déroulera le dimanche 11 février au Centre des sciences de Montréal. Cliquez-ici pour connaitre les détails. 

 

SOURCES :

Catalina Villegas Burgos
Profile picture for user Catalina Villegas Burgos

Catalina Villegas a travaillé comme chargée recherche et vulgarisation au Centre des sciences de Montréal. Elle détient un baccalauréat en génie physique, mais elle a découvert que sa passion se trouvait dans la communication et la vulgarisation scientifique. Elle s’intéresse aussi à l’art, la caricature, l’origami et la littérature.