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Joëlle Pineau : premier violon en intelligence artificielle

19 janvier 2018 | Brite Pauchet

L’intelligence artificielle (IA) promet de révolutionner le monde dans les prochaines années. Pourtant, rares sont les femmes qui travaillent dans ce domaine. L’une d’elles, Joëlle Pineau, professeure en science des données à l’Université McGill, recommande ainsi d’encourager la diversité des genres, des cultures et des origines parmi les chercheurs et les entrepreneurs en intelligence artificielle, ceci pour garantir que l’IA réponde aux besoins d’une plus grande partie de la population.

De la musique à la robotique

Étrangement, ce n’est ni en informatique ni en mathématiques que cette spécialiste incontestée de l’intelligence artificielle a commencé son parcours. Elle se destinait à la musique, maniant avec brio l’alto (ou violon alto), au point d’être acceptée dans le programme de musique de l’Université McGill. Peu intéressée par les répétitions quotidiennes, elle choisit un sujet qu’elle trouve plus divertissant : les mathématiques — et se plonge ensuite rapidement dans la robotique. « Mais ce qui m’intéressait le plus, ce n’était pas tant les machines que le code » confiait-elle récemment à La Presse. Une machine, c’est bien ; la programmer, c’est mieux… surtout quand ce qui nous passionne, ce sont les défis et la résolution de problèmes.

C’est ainsi que, de fil en aiguille, Joëlle Pineau devient codirectrice du Laboratoire d’apprentissage et de raisonnement (Reasoning and Learning Lab) à l’Université McGill. Là, elle travaille non pas avec des voitures intelligentes (une des applications potentielles dont on parle le plus), mais avec des fauteuils roulants, afin de les rendre capables de se déplacer dans une foule de façon la plus autonome possible. En effet, Joëlle Pineau intègre toujours un aspect social à ses recherches : l’intelligence artificielle n’est pas une abstraction ou un gadget amusant, elle peut faciliter la vie des gens… ou même aider les médecins à diagnostiquer des cancers.

cerveau
GDJ / Pixabay

Nouveau terrain de jeu : Facebook

Dernièrement, Joëlle Pineau a été recrutée par Facebook afin de diriger le nouveau FAIR Lab. Le FAIR Lab (pour « Facebook Artificial Intelligence Research ») de Montréal est le quatrième laboratoire de recherche en intelligence artificielle du plus grand réseau social au monde. Et, où l’installer ailleurs qu’ici à Montréal, une des capitales de l’intelligence artificielle, notamment grâce à Joëlle Pineau ?

Avec Facebook, elle pourra explorer divers aspects de la recherche fondamentale en intelligence artificielle, dont sa spécialité : « l’apprentissage par renforcement ». Il s’agit de permettre aux machines (c’est-à-dire ce qui fait tourner les ordinateurs) d’apprendre de nouvelles tâches par expérimentation, rétroaction et récompense. Le but est qu’elles soient capables de prendre de bonnes décisions dans le monde réel, qui est bien plus complexe qu’une partie d’échecs ou un jeu de go. Il faut, entre autres, qu’elles puissent comprendre les liens entre une décision et ses conséquences, mais aussi les liens entre les diverses décisions qu’il faut parfois prendre en même temps. Une chose que nous faisons naturellement sans y penser dans notre propre processus de décision, mais qu’il est nécessaire de modéliser en langage informatique pour que les machines, les « intelligences artificielles » soient capables de le reproduire. Par exemple, si on veut qu’un fauteuil roulant aille tout droit (ce qui semble simple), il faut vérifier s’il n’y a pas dans le chemin un obstacle fixe (une chaise) ou mobile (un enfant), afin de les éviter. Une chaise et un enfant ne réagissant pas exactement de la même manière, ils sont modélisés différemment. Aussi, heurter une chaise ou un jeune enfant n’a pas les mêmes conséquences. S’il a le choix entre heurter l’un ou l’autre obstacle, lequel devra-t-il choisir ?

Du code pour tous

Si Joëlle Pineau a accepté ce prestigieux poste dans l’entreprise bien connue, c’est aussi parce que les travaux qu’elle y réalisera profiteront à tous. En effet, contrairement à ce qu’on voit habituellement dans les laboratoires d’entreprises privées, les résultats des laboratoires FAIR sont rendus publics. Ils peuvent être partagés entre les chercheurs et ainsi contribuer à l’avancement des connaissances, au même titre que les recherches universitaires. Joëlle Pineau n’abandonnera d’ailleurs ni McGill ni ses précieux étudiants, combinant ces deux défis enthousiasmants dans les prochaines années.

Pas pour les filles, l’informatique ? Au contraire ! Son parcours le prouve, et elle nous encourage tous à améliorer nos connaissances en codage informatique, une bonne chose pour comprendre le fonctionnement des algorithmes et des ordinateurs, omniprésents aujourd’hui.

Sources

Brite Pauchet
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