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L’entomologie judiciaire, c’est quoi au juste ?

1 juin 2017 | Marion Spee

Gil Grissom, personnage emblématique de la série CSI : Las Vegas (et votre superviseur dans l'exposition CSI: l'expérience), est un passionné des petites bêtes. Il les utilise pour dater les cadavres qu’il retrouve, avec son équipe, pendant ses gardes de nuit… Sa devise : « Suis ce qui ne peut mentir : les indices ».

Quand les enquêteurs retrouvent un corps, il est primordial de déterminer la date et l’heure du décès, pour les besoins évidents de l’enquête. Le plus souvent, les scientifiques se basent sur la température du corps, sa rigidité et la présence de lividités (colorations rouges violacées de la peau qui surviennent à cause de l’accumulation du sang). Le problème avec ces méthodes, c’est qu’elles deviennent imprécises quelques jours après la mort.

Et c’est là que les bibittes entrent en scène : les insectes nécrophages (c.-à-d. qui mangent des cadavres) deviennent la meilleure des solutions. Les entomologistes judiciaires déterminent leur stade de développement et à partir de ça, parviennent à remonter le temps et trouver la fameuse date de la mort du cadavre sur lequel les insectes se sont nourris… Dans certains cas les insectes servent même à préciser la localisation de la scène de crime, dans les cas où les corps ont été déplacés dans le but de brouiller les pistes…

« Les cadavres, c’est une ressource alimentaire. Qu’il s’agisse d’une marmotte retrouvée sur le bord de la route ou d’un humain assassiné », affirme Etienne Normandin, entomologiste à l’Université de Montréal. Un grand nombre d’insectes spécialisés vont profiter de cette aubaine pour y puiser de l’énergie et y proliférer rapidement. « Les mouches sont les meilleurs indices, elles sont les premières arrivées », précise le spécialiste. Elles viennent pondre leurs œufs ou déposer leurs larves dans les orifices de la dépouille.

Les espèces qui colonisent les cadavres changent au fur et à mesure de sa décomposition. « A la fin, on observe par exemple les insectes capables de manger les poils, la peau sur les os, de gruger l’os », précise Etienne Normandin. En tout, on dénombre quelques 7 à 8 escouades d’insectes nécrophages qui mobilisent une centaine d’espèces depuis la mort jusqu’à la disparition totale du cadavre.

L'entomologie, pas juste pour résoudre des crimes

L’entomologie, vous l’aurez compris, c’est l’étude des insectes. Issu du latin insectum, voulant dire « avec un corps entaillé ou divisé », le terme insecte veut littéralement dire « coupé en tranches ». Le corps de ces bibittes est effectivement divisé en trois parties : la tête, le thorax et l’abdomen. Toutes partagent des caractéristiques communes : par exemple un exosquelette qui les protège de l’environnement ou encore des ailes (voilà notamment pourquoi les araignées ne sont pas des insectes !). Les entomologistes, spécialistes de la discipline, dédient leur temps à les comprendre, les quantifier, les classer, les reconnaitre, les manipuler, les observer ou encore à déterminer ceux qui se mangent ! Leur travail, fait par des professionnels ou des amateurs, a permis au fil des années de découvrir plus d’un million d’espèces (et les experts estiment qu’il y en aurait bien plus… à découvrir).

« Les champs d’application sont nombreux et variés », note l’entomologiste. Ils peuvent aller de la protection d’espèces en danger à l’extermination d’insectes considérés comme nuisibles. Certains entomologistes travaillent aussi pour les ministères de l'agriculture au sein des gouvernements, pour étudier la mouche du navet ou celle de l’oignon par exemple... et mettre au point des stratégies de lutte pour que les insectes n'anéantissent pas les cultures. D'autres encore étudient la pollinisation et se demandent comment protéger des abeilles (qui sont, on le sait, en mauvaise posture). Finalement, il y a ceux qui font de la recherche fondamentale, les adeptes de la taxonomie (c’est à dire de la classification). Un point commun tout de même : leur passion pour ces bibittes!

CSI: l'expérience est à l'affiche jusqu'au 4 septembre au Centre des sciences. Dès le 26 juin, l'exposition sera ouverte jusqu'à 21h du jeudi au samedi.

Marion Spee
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Spécialiste des manchots dans une autre vie, Marion est aujourd'hui journaliste scientifique. Elle travaille notamment avec Curium, Science & vie, Québec Science, Le Monde. Recherchiste pour des émissions de télévisions (Electrons Libres), elle tient aussi une chronique d'actualité des sciences dans l'émission l'oeuf ou la poule, sur choq.ca (la radio web de l'UQAM).