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Les filles, l’intelligence artificielle a besoin de vous!

8 mars 2020 | Catalina Ville…

Les filles, l’intelligence artificielle a besoin de vous!

Si vous êtes tombé sur cet article sur internet, c’est probablement grâce à un algorithme d’intelligence artificielle (IA) qui vous suggère des lectures basées sur vos goûts et habitudes (on salue ces bonnes habitudes!). Des technologies similaires vous recommandent des vidéos sur YouTube et des films sur Netflix, tandis que d’autres, plus complexes, apprennent à faire de la reconnaissance faciale pour déverrouiller des téléphones haut de gamme ou font avancer des voitures sans conducteur. En effet, l’intelligence artificielle n’est pas le futur comme on le disait jadis, car elle est déjà très présente dans nos vies.

Non seulement les grandes entreprises technologiques, mais aussi le secteur de la santé et le gouvernement, visent à intégrer de plus en plus l’IA dans leurs écosystèmes. Il est donc essentiel de se questionner sur l’équité des décisions qui peuvent découler des algorithmes afin d’aller en amont des possibles dérapages. On a beau rassurer les gens en affirmant que ces technologies ne prendront jamais de décisions à la place des humains, chose certaine, leur potentiel comme accélérateur de tâches est indéniable et on commence à se reposer de plus en plus sur l’efficacité qu’elles promettent.

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Quand l’intelligence artificielle fait des bêtises

L’un des principaux dérapages que l’on reproche aux logiciels d’IA est le biais de sexisme. Un test rapide vous permettra d’ailleurs de le constater par vous-même. Dans l’outil de traduction de Google, demandez simplement de traduire de l’anglais vers le français une phrase avec le mot « nurse » et une autre avec le mot « doctor ». Vous constaterez que cet outil de traduction attribue par défaut le genre féminin au métier d’infirmier, et le genre masculin au métier de médecin.

                       

Et à propos, comment se porte Google en matière de parité homme-femme? Selon des données de 20181 , seulement 21 % des postes techniques et 10 % des postes dans les recherches en apprentissage machine sont occupés par des femmes.

Le cas récent d’un outil de recrutement de personnel qui discriminait les CV des candidatures féminines2  est une autre preuve que les algorithmes peuvent renforcer les préjugés s’il n’y a pas assez de diversité à l’intérieur des équipes de développeurs. Ce logiciel, testé par Amazon, avait été conçu majoritairement par des hommes3. Après le constat de cette discrimination systémique, l’entreprise a décidé de ne pas l’incorporer à ses processus d’embauche. Aujourd’hui, environ 40 % des employés d’Amazon sont de sexe féminin. Comme un serpent qui se mord la queue, il semble difficile, donc, de briser l’inégalité dans un domaine parsemé d’aberrations dans l’automatisation de ses décisions.

Une initiative montréalaise

Aujourd’hui, seulement 12 % des chercheurs en apprentissage machine sont des femmes. Le Canada, qui se positionne comme le quatrième leader mondial en matière d’IA, se révèle un chef de file en recherche et développement dans cette industrie. Consciente du besoin impératif d’encadrer le développement et la mise en application des systèmes d’IA, l’Université de Montréal a récemment lancé la Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’intelligence artificielle4. Concernant le principe d’équité, on y lit : « Les SIA (systèmes d’intelligence artificielle) doivent être conçus et entraînés de sorte à ne pas créer, renforcer ou reproduire des discriminations fondées entre autres sur les différences sociales, sexuelles, ethniques, culturelles et religieuses. »

Combler la disparité

Quand les experts sont consultés au sujet des écarts entre les proportions masculines et féminines dans le domaine de l’intelligence artificielle, la question s’élargit rapidement au domaine des technologies de l’information (TI). Les pistes de solution énoncées sont diverses, basées notamment sur des efforts de sensibilisation, des modèles féminins inspirants et diversifiés et un système de soutien, de mentorat et de coaching pour accroître l’intérêt des femmes vers les domaines des TI.

Pour pallier cette la disparité entre hommes et femmes, le leader mondial en développement des jeux vidéo, Ubisoft, s’est attaqué à la racine du problème en mettant sur pied des initiatives qui visent à encourager les jeunes femmes à considérer les nombreuses carrières du secteur des technologies. L’un de ces programmes, Femmes en tech Ubisoft, met de l’avant des ambassadrices inspirantes qui partagent leur parcours en TI avec le public, notamment avec des filles. Une autre initiative, parrainée par Ubisoft Québec, est l’événement Le code des filles dont la mission est de « créer une expérience positive qui engage et interpelle les filles à prendre part à la transformation technologique en les initiant à la programmation et au numérique ». Ultimement, augmenter la proportion de femmes en TI pourra-t-elle contribuer à l’augmenter dans le domaine de l’intelligence artificielle. Il y a fort à parier qu’il s’agit de vases communicants!

L’avenir de l’intelligence artificielle est entre nos mains. Comme société, l’invitation est lancée à débusquer les préjugés qui ont perpétué une réticence de la part des filles à poursuivre des carrières dans le numérique, carrières stimulantes et en plein essor, en plus.

 


1AI Is the Future—But Where Are the Women? 2018. https://www.wired.com/story/artificial-intelligence-researchers-gender-imbalance/ 

2Amazon scraps secret AI recruiting tool that showed bias against women. 2018. https://www.reuters.com/article/us-amazon-com-jobs-automation-insight/amazon-scraps-secret-ai-recruiting-tool-that-showed-bias-against-women-idUSKCN1MK08G

3Aude Bernheim et Flora Vincent, L’intelligence artificielle, pas sans elles, paru en 2019 aux éditions Belin.

4La Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’intelligence artificielle. 2017. https://www.declarationmontreal-iaresponsable.com/la-declaration

Catalina Villegas Burgos
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Catalina Villegas a travaillé comme chargée recherche et vulgarisation au Centre des sciences de Montréal. Elle détient un baccalauréat en génie physique, mais elle a découvert que sa passion se trouvait dans la communication et la vulgarisation scientifique. Elle s’intéresse aussi à l’art, la caricature, l’origami et la littérature.