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Rencontre avec Les Impatients

15 novembre 2019 | Marion Spee

«C’est un lieu impossible, comme on en fait plus ». Voilà comment Frédéric Palardy décrit les Impatients, qu’il dirige. Depuis plus de 25 ans, l’organisme propose à ses participants de s’exprimer à travers la création artistique, en dépit de leurs problèmes de santé mentale. «Il n’y pas de discrimination ni de catégorie, pas d’objectif ni de pression, pas de cadrage ni d’obligation, pas de durée limite ni de coût», décrit le directeur. Les seuls « critères » pour entrer dans la boucle, c’est d’être référé par un professionnel de la santé, d’être capable de fonctionner en groupe et d’avoir un intérêt minimum pour l’art.

L’expression artistique s’avère être un complément extraordinaire à la psychiatrie. Voilà pourquoi l’organisme est relié aux sections psychiatriques des hôpitaux et offre des ateliers de bande dessinée, de dessin, de peinture, de sculpture, de chant, de danse ou encore d’écriture. On parle ici d’art thérapeutique, c’est à dire qu’on mise sur les services que procure la création: briser l’isolement, se libérer, gérer ses émotions, s’exprimer autrement.

Selon le Gouvernement du Québec, près de 20% de la population, c’est à dire 1 personne sur 5, va souffrir d’une maladie mentale au cours de sa vie. Autant dire que tous les moyens sont bons pour tenter de soulager les personnes aux prises avec ce type de problème.

«L’une des clé de la réussite de notre approche, c’est d’avoir des artistes à la tête des ateliers», assure M. Palardy. Par session de deux heures, ils offrent à quelques 750 participants par semaine de venir s’exprimer à leur manière. Amélie Pellerin est l’une des artistes responsable d’ateliers. Elle est spécialiste des arts visuels (peinture, sculpture, dessin) et propose son savoir-faire à des adultes, des jeunes de moins de 18 ans et des jeunes hommes de moins de 20 ans en milieu carcéral. «On travaille la couleur, le geste, on essaie de comprendre ce qu’il se passe, de se laisser surprendre», détaille celle qui avoue avoir la même passion pour les arts et les humains. Il ne s’agit pas d’atteindre une performance technique ou esthétique de l’art, mais encore une fois de profiter des bienfaits du fait de créer.

L’autre atout, c’est d’avoir de beaux endroits. «Pourquoi on décore chez nous?, aime rappeler M. Palardy. Pour se sentir bien. Là, c’est la même chose, on essaie de trouver de beaux endroits, de faire des belles choses». A Joliette et Saint-Jérôme, les ateliers se tiennent dans le musée, sur la Rive-Sud, c’est dans une galerie d’art… L’idée on l’aura compris, c’est de quitter les «décors» médicaux.

Si la formule n’est pas magique, elle fonctionne vraiment bien! Selon une étude d’impact menée auprès des participants, 87% disent que leur santé s’est améliorée et 67% disent qu’ils ont évité une hospitalisation! «On ne se suffit plus», s’enthousiasme même le directeur qui a déjà ouvert une quinzaine de sites à travers la Province. La demande est telle que de nouveaux ateliers vont voir le jour, en Outaouais et à Rawdon notamment.

Pour celles et ceux qui souhaitent exposer leur travail au public, l’organisme organise tous les ans dans plusieurs villes une grande exposition: «Parle-moi d’amour». Leurs œuvres se mêlent ainsi à celles de collectionneurs et à celles d’artistes pouvant valoir des milliers de dollars. À la fin de l’exposition, les œuvres exposées sont mises à l’encan et les profits amassés permettent la poursuite des ateliers. Toutes les créations sont ainsi mises sur un pied d’égalité. Une belle récompense pour les participants et participantes.

Marion Spee
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Spécialiste des manchots dans une autre vie, Marion est aujourd'hui journaliste scientifique. Elle travaille notamment avec Curium, Science & vie, Québec Science, Le Monde. Recherchiste pour des émissions de télévisions (Electrons Libres), elle tient aussi une chronique d'actualité des sciences dans l'émission l'oeuf ou la poule, sur choq.ca (la radio web de l'UQAM).