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Les secrets du blob

24 janvier 2024 | Elisabeth Guil…

Il existe un organisme surprenant qui, à première vue, pourrait sembler banal. Et pourtant, c’est un être extraordinaire aux capacités fantastiques! Cette espèce gélatineuse se présente sous toutes sortes de couleurs et habite les forêts feuillues. Friande d’humidité et de fraîcheur, elle aime se cacher dans les mousses et au creux des branches et troncs en décomposition. Devinez-vous de ce qu’il s’agit? C’est… (roulements de tambour) le blob!

C’est quoi, le blob?

Il existe plusieurs espèces qui sont appelées « blob », mais la grande majorité du temps, le « blob » fait référence à l’espèce Physarum polycephalum. Autrefois, le blob était classé avec les champignons, mais après l’avènement des analyses génétiques, des chercheurs ont découvert que ce sont plutôt des protistes! Les protistes sont des organismes qui possèdent un noyau contenant leur ADN, mais qui n’ont qu’une seule cellule.

Mais même au sein des protistes, le blob se distingue étrangement. Il est unicellulaire, mais aussi polynucléique : ça veut dire qu’il possède plusieurs noyaux. Sa structure unique lui confère de nombreuses habiletés qui en font un sujet d’étude palpitant en laboratoire!

Les superpouvoirs du blob

Le blob peut être petit de quelques millimètres au début de sa vie, mais il peut atteindre une taille totale de plusieurs mètres carrés si les conditions sont favorables. Pour y arriver, il a la capacité de doubler sa taille en une seule journée! Un élevage de blobs peut donc devenir hors de contrôle rapidement… surtout quand ils essaient de s’échapper! Nous parlons par expérience…

Les blobs de l’élevage du Centre des sciences en pleine tentative de fuite. © Maïka Tardif 1
                                                Les blobs de l’élevage du Centre des sciences en pleine tentative de fuite. © Maïka Tardif
Les blobs de l’élevage du Centre des sciences en pleine tentative de fuite. © Maïka Tardif 2
                                                Les blobs de l’élevage du Centre des sciences en pleine tentative de fuite. © Maïka Tardif

 

Les blobs de l’élevage du Centre des sciences en pleine tentative de fuite. © Maïka Tardif 3
                                                Les blobs de l’élevage du Centre des sciences en pleine tentative de fuite. © Maïka Tardif

 

Et on ne peut pas parler du blob sans aborder ses comportements complexes, voire « intelligents ». Même s’il n’a pas de système nerveux, le blob est entre autres capable de :

  • Naviguer un labyrinthe ;
  • Trouver le chemin le plus rapide vers une source de nourriture ;
  • Structurer ses connexions pour rejoindre plusieurs sources différentes de nourriture en même temps ;
  • Mémoriser les endroits qu’il a déjà explorés.

Pour se nourrir, le blob ingère directement sa nourriture. Il connecte des « veines » qui vont englober et ingérer la nourriture, puis acheminer les nutriments vers les régions les plus actives de l’organisme. En contraste, les champignons, eux, vont plutôt sécréter des substances chimiques qui dégradent leur source de nourriture en molécules plus petites et faciles à consommer.

La forme sous laquelle on l’observe le plus souvent, soit jaune et gélatineuse, est le plasmodium. C’est la phase active du blob sous laquelle il va grandir, se déplacer, chercher et assimiler de la nourriture.

Le blob est aussi sensible à la lumière et aux signaux chimiques de son environnement. Il va adapter son comportement et sa forme en fonction de ce qu’il perçoit. Par exemple, si le plasmodium rencontre un stress en absence de lumière, il va se transformer en sclérote. Lorsque le blob est sous forme de sclérote, il est en dormance. Sa paroi devient solide et épaisse, protégeant son intérieur. Le blob peut rester en dormance ainsi pendant très longtemps, voire jusqu’à 70 ans! Le blob se « réanime » lorsque les conditions de son environnement redeviennent favorables à sa survie.

En bref, le blob est une créature pleine de ressources et dont les comportements suscitent l’intérêt de nombreuses personnes au sein de la communauté scientifique.

La spécialiste mondiale du blob en conférence au Centre des sciences samedi 10 février! 

Audrey Dussutour, directrice de recherche au CNRS (Centre national de recherche scientifique, France), est spécialiste de l’étude du comportement des animaux, dont le blob. Elle fut la première à démontrer qu’un organisme dépourvu de système nerveux peut apprendre et mémoriser. Elle est l’auteur de 70 articles scientifiques et de trois livres grand public sur le blob.

Ses travaux de recherche sur le blob (et sur les fourmis!), ainsi que ses initiatives en vulgarisation scientifique, lui ont valu plusieurs prix et distinctions. D’ailleurs, ses nombreuses activités de médiation auprès du grand public ont été récompensées par l’ordre national du mérite et la première médaille de médiation du CNRS en 2021. On peut donc dire qu’elle est LA grande experte en la matière.

Audrey Dussutour © Audrey Dussutour
                                                                                                                                  Audrey Dussutour © Audrey Dussutour

 

Il était donc tout naturel que le Centre des sciences de Montréal invite Audrey Dussutour en tant que conférencière lors de l’événement Femmes et filles de sciences, le 10 février 2024. Venez plonger avec nous dans le merveilleux univers du blob! Une occasion à ne pas rater!

 

Sources
  • Alim, K., Amselem, G., Peaudecerf, F., Brenner, M. P., & Pringle, A. (2013). Random network peristalsis in Physarum polycephalum organizes fluid flows across an individual. Proceedings of the National Academy of Sciences, 110(33), 13306‑13311. https://doi.org/10.1073/pnas.1305049110
  • Alim, K., Andrew, N., Pringle, A., & Brenner, M. P. (2017). Mechanism of signal propagation in Physarum polycephalum. Proceedings of the National Academy of Sciences, 114(20), 5136‑5141. https://doi.org/10.1073/pnas.1618114114
  • Baumgarten, W., & Hauser, M. J. B. (2013). Functional organization of the vascular network of Physarum polycephalum. Physical Biology, 10(2), 026003. https://doi.org/10.1088/1478-3975/10/2/026003
  • Beekman, M., & Latty, T. (2015). Brainless but Multi-Headed: Decision Making by the Acellular Slime Mould Physarum polycephalum. Journal of Molecular Biology, 427(23), 3734‑3743. https://doi.org/10.1016/j.jmb.2015.07.007
  • Dove, W. F., Dee, J., Hatano, S., Haugli, F. B., & Wohlfarth-Bottermann, K.-E. (2012). The Molecular Biology of Physarum polycephalum. Springer Science & Business Media.
  • How to raise a Blob? –BLOBSHOP. (s. d.). Consulté 21 septembre 2023, à l’adresse https://blobshop.fr/en/how-to-raise-a-blob/
  • Oettmeier, C., Brix, K., & Döbereiner, H.-G. (2017). Physarum polycephalum—A new take on a classic model system. Journal of Physics D: Applied Physics, 50(41), 413001. https://doi.org/10.1088/1361-6463/aa8699
  • Oettmeier, C., Lee, J., & Döbereiner, H.-G. (2018). Form follows function: Ultrastructure of different morphotypes of Physarum polycephalum. Journal of Physics D: Applied Physics, 51(13), 134006. https://doi.org/10.1088/1361-6463/aab147
  • PhD, E. P. (2022, octobre 26). The Slime Mold Physarum polycephalum, a Single-Celled Organism for Student Investigations. Carolina Knowledge Center. https://knowledge.carolina.com/discipline/life-science/biology/the-slime-mold-physarum-polycephalum/
  • Physarum polycephalum—An overview | ScienceDirect Topics. (s. d.). https://www.sciencedirect.com/topics/agricultural-and-biological-sciences/physarum-polycephalum
  • Slime moulds head for space. (s. d.). CNRS News. https://news.cnrs.fr/articles/slime-moulds-head-for-space
  • Taylor, B., Adamatzky, A., Greenman, J., & Ieropoulos, I. (2015). Physarum polycephalum: Towards a biological controller. Biosystems, 127, 42‑46. https://doi.org/10.1016/j.biosystems.2014.10.005
  • The Blob: Slime Molds | Herbarium | USU. (s. d.). https://www.usu.edu/herbarium/education/fun-facts-about-fungi/slime-molds
  • Truitt, C. L., Hoffman, C. S., & Holt, C. E. (1982). A Gene, ALCA, Affecting the Life Cycle Form Expressed in PHYSARUM POLYCEPHALUM. Genetics, 101(1), 35‑55. https://doi.org/10.1093/genetics/101.1.35
 
Elisabeth Guillet-Beaulieu
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Elisabeth Guillet-Beaulieu s’est jointe à l’équipe du Centre des Sciences de Montréal en décembre 2022. Cette férue d’environnement et de nature – mais aussi d’éducation scientifique – y occupe présentement le poste de chargée de recherche et de vulgarisation. Outre ses intérêts pour la biologie, elle possède aussi un amour profond de l’astronomie, de la chimie et des jeux vidéo. Elisabeth est titulaire d’un baccalauréat en sciences biologiques et d’une maîtrise en environnement et développement durable.