Aller au contenu principal

Brenda Milner: une mémoire centenaire

12 janvier 2018 | Brite Pauchet

Dans le cadre de l'événement Science au féminin qui se déroulera le dimanche 11 février, le Centre des sciences publie des portraits de femmes inspirantes en science et technologie.

En juillet prochain, Brenda Milner atteindra l’âge vénérable de 100 ans. Et pourtant, elle n’est toujours pas à la retraite : en 2018, cela fera 68 ans que cette scientifique de renommée mondiale améliore notre compréhension du cerveau et de la mémoire. Soixante-huit ans ! Depuis son arrivée à l’Université McGill en 1950, Brenda Milner, le cerveau bien affûté, ne cesse  de nous révéler des secrets sur notre organe le plus fascinant.

Épilepsie ou souvenirs

Cette grande dame de la science québécoise  a d’abord travaillé avec des patients épileptiques. Dans les années 1950 et 1960, il existait bien moins de traitements qu'aujourd’hui. Les médecins recommandaient une opération au cerveau pour les personnes dont l’épilepsie ne répondait pas aux médicaments. Or, à l’époque, les deux seules options pour observer les lésions étaient la trépanation (qui consiste à faire un trou dans la tête, idéalement sous anesthésie) et… l’autopsie (peu recommandée si on veut continuer à exercer ses neurones). À l’époque, les techniques d’imagerie par rayons X avaient bien du mal à pénétrer les os du crâne pour générer des images claires du cerveau.

Il est ainsi arrivé que des patients du Dr Penfield, le fondateur de l’Institut et hôpital neurologique de Montréal, sortent de l’opération guéris de leur épilepsie, mais… différents. Leur mémoire ne fonctionnait plus comme elle aurait dû le faire. Le brillant chirurgien a donc demandé à Mme Milner de prendre soin d’eux afin de comprendre ce qu’il se passait.

Écoute, observation et persévérance

En bonne scientifique qu’elle est, Brenda Milner dispose de trois grandes qualités : l’écoute, l’observation et la persévérance. Selon ses propres termes, quand elle cible un problème qui l’intéresse, elle cherche des moyens pour en déterminer les contours afin de pouvoir l’étudier de manière systématique. Elle a ainsi mis au point plusieurs tests de mémoire : elle a créé une sorte de mètre-ruban pour en mesurer les trous.

C’est de cette manière qu’elle a différencié plusieurs types de mémoire, tels que nous les comprenons aujourd’hui : la mémoire à court terme, la mémoire à long terme et leurs nombreuses déclinaisons. La mémoire à court terme, c’est vous souvenir d’un numéro (514 496-4724) pour le composer sur votre téléphone. Vous n’avez pas besoin de continuellement lire les numéros pour le faire. La mémoire à long terme, ce sont nos souvenirs plus lointains, comme les souvenirs d’enfance, mais aussi ceux d’hier.

Mais qui êtes-vous ?

Brenda Milner a ainsi travaillé durant 30 ans avec un patient, le célèbre patient H.M. (Henry Gustav Molaison) , qui avait perdu sa              « mémoire à long terme récente » à la suite d’une opération. Il était incapable de se remémorer ce qu’il faisait juste avant le moment présent et n’engrangeait pas de nouveaux souvenirs de ses actions. C’est-à-dire qu’il ne se souvenait pas de vous avoir rencontré 20 minutes plus tôt si vous aviez quitté la pièce. Cependant, H.M. répondait parfaitement à des tests d’intelligence et racontait sans aucun problème ses souvenirs d’enfance. Grâce aux tests de mémoire qu’elle a patiemment mis au point, Brenda Milner a montré que, malgré ce trouble de la mémoire à long terme, H.M. était capable d’apprentissage, ce qui implique un autre type de mémoire, la mémoire procédurale. Ainsi, il a pu acquérir  une nouvelle technique de dessin : il s’améliorait de jour en jour, même s’il ne se souvenait absolument pas d’avoir réalisé cette tâche les jours précédents... et s’étonnait donc de son talent « inné » !

Ce cas étonnant et célèbre a d’ailleurs probablement servi d’inspiration au film Memento, réalisé par Christopher Nolan (Dunkerque, Inception, quelques Batman, etc.). Dans ce thriller enlevant, un homme atteint d’amnésie antérétrograde (la même affection que celle d’Henry Molaison) essaie de retrouver le meurtrier de son épouse.

Memento

Femme de tête et femme de cœur, Brenda Milner travaille toujours aujourd’hui sur la mémoire à l’Université McGill en tant que professeure émérite. D’après elle, son parcours doit énormément à sa curiosité : « Je suis incroyablement curieuse des petites choses que je vois autour de moi ».Visiblement, sa curiosité la motive toujours.

Science au féminin, l'événement qui vise à inspirer et promouvoir la participation des femmes et des filles à la science, se déroulera le dimanche 11 février au Centre des sciences de Montréal. Cliquez-ici pour connaitre les détails. 

Sources

 

 

Brite Pauchet
Profile picture for user Brite Pauchet